Le vaudou, une religion qui veut sortir de la clandestinité
La religion vaudou, qui compte environ 80 millions d'adeptes dans le monde, tente avec peine de sortir de la clandestinité, en particulier en France où elle est vivace dans les communautés béninoise et haïtienne, mais aussi guadeloupéenne.
«Le vaudou fait partie de notre patrimoine culturel, mais les intellectuels haïtiens refusent souvent d'affirmer leur culture. En France, il y a une quarantaine de temples, il y a des mambos (prêtresses), des hougans (prêtres). Mais tout est souterrain, clandestin », explique Jean-Audan Catel, professeur de lettres et historien.
Les vaudouisants, environ 80.000 en France, croient en un Dieu unique. Ils ne s'adressent pas directement à lui, mais à des intermédiaires, des « archanges », -« loas », au nombre de 150-, représentés par des peintures, des fétiches, ou des mottes de terre, et qui accompagnent les humains avec bienveillance, intercèdent pour des guérisons, une demande de justice, de paix. Souvent les saints chrétiens sont ces divinités. Le vaudou, parfois assimilé, ce qui indigne ses adeptes, à la seule « magie noire » ("macumba") ou à des rites barbares, se dit "une religion du cœur", sans dogme.
« Nous avons un rituel, qui n'est pas le rituel chrétien. Mais le vaudou est tenu pour sale. Il est pratiqué dans des caves. C'était la religion des esclaves révoltés, en Haïti et à Saint-Domingue. Elle veut sortir de la clandestinité, mais elle y peine », souligne M. Catel.
Le vaudou, est pratiqué également à Cuba -c'est le « santeria »-, mais aussi au Brésil, en Louisiane (Etats-Unis), et en Afrique (Togo, Nigeria, Cameroun notamment, outre le Bénin).
Hasard du calendrier, René Préval et Boni Yayi, les présidents de Haïti et du Bénin, les deux pays où le vaudou a un statut officiel, font cette semaine leur première visite en France. L'Unesco, fin juillet, organise pour la première fois des journées sur «l'art et la symbolique vaudous », « le vaudou et la diaspora », et « la tolérance religieuse ».
«Les Béninois ont tous été moulés dans la culture vaudoue qui a, hélas, une image faussée. C'est une culture très tolérante. Le vaudou reconnaît un Dieu suprême, Mawu en langue fon (une des principales communautés béninoises, ndlr). Pour désigner Dieu, les chrétiens utilisent aussi le mot Mawu », explique Nicole Elisha, diplomate en charge des affaires culturelles.
« Dans le vaudou, les familles accompagnent les morts pendant un an, pour qu'ils aillent dans le royaume des ancêtres », ajoute-t-elle.
Musicienne guadeloupéenne, Marianne Mattéus, a découvert le vaudou à travers l'œuvre de Toto Bissainthe (1934-1994), grande comédienne et chanteuse haïtienne, figure emblématique du combat, en France, contre le régime des « tontons macoutes » et dont elle est considérée comme « la petite sœur spirituelle ». Toto Bissainthe, qui revendiquait -tout comme le guitariste américain Jimi Hendrix-, le vaudou "culturel", fit une grande carrière théâtrale, notamment en jouant Jean Genet, Jean-Paul Sartre et Jean Cocteau.
« Ce n'est pas l'aspect religieux qui prédomine pour moi. Le vaudou, c'est une éducation, un comportement, une façon d'appréhender le monde. C'est un rythme extraordinaire, une musique qui chante et crie la révolte des esclaves, et nous fait redécouvrir nos propres racines », explique Mme Mattéus.
« Le vaudou, c'est souvent une mauvaise interprétation des rites chrétiens. Mais c'est une philosophie qui fait partager joies et tristesses. Ce n'est pas du tout de la sorcellerie », dit le père Pierre Marie, aumônier de la communauté haïtienne.
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